Construitau XVIIe siècle pour développer le commercedu blé, ce sentier d'eau est l'un des plus anciens canaux d'Europeencore en fonctionnement. Crédits photo : Alexandre GELEBART/REA/Alexandre GELEBART/REA
INTERVIEW - Jacques Noisette, responsable de la communication de Voies navigables de France du Sud-Ouest, explique les contraintes de l'abattage massif.
LE FIGARO. - Abattre tant d'arbres malades, c'est une décision difficile qui a été prise ?
Jacques NOISETTE. - C'est le moins que l'on puisse dire. Pour VNF, c'est un véritable crève-cœur. Cela dit, compte tenu de l'impact de cette maladie sur les arbres qui bordent le canal du Midi, il n'était pas question de rester les bras croisés. Aujourd'hui, il existe un seul moyen de lutter contre le chancre. Pour cela, il faut abattre les arbres contaminés et tous les arbres qui sont situés dans le périmètre immédiat, même s'ils sont sains ! Ensuite, il faudra brûler sur place les arbres malades. Du coup, nous devrons restaurer la berge car nous allons devoir déraciner les souches des platanes.
Est-ce que la contamination peut concerner la totalité des arbres qui entourent le canal du Midi ?
Aujourd'hui, fort heureusement, sur les 42 000 arbres, tous ne sont pas contaminés. Nous estimons à 2 000 le nombre d'arbres malades. En revanche, depuis 2006, date d'arrivée des premiers foyers, il y a eu une augmentation constante du nombre des cas. Cela montre une accélération très nette de la maladie. En 2013, la moyenne annuelle des abattages atteindra 4 000 arbres et les 42 000 platanes actuels auront disparu d'ici quinze à vingt ans.
Doivent-ils être abattus ?
Pour l'instant, il est difficile de dire si nous devons abattre tous les platanes. Il est sûr que le phénomène de prolifération de ce mal est en expansion. L'eau et les bateaux sont des vecteurs de propagation du chancre coloré. Les 42 000 arbres sont donc très clairement menacés ! Cela ne veut pas dire forcément qu'ils seront tous atteints, un jour, par la maladie.
Avez-vous estimé le coût de ces opérations d'abattage ?
D'ores et déjà, nous pouvons affirmer qu'il est très important. Il est estimé à 200 millions d'euros, dont le financement reste encore à déterminer. Le calendrier des abattages va donc se poursuivre dès le mois d'octobre. En 2011, nous étions à un millier arbres. En 2012, nous allons passer à la vitesse supérieure. Avec près de 4 000 arbres abattus. Dans le même temps, cet hiver, nous allons lancer deux programmes de replantation dans les secteurs les plus touchés de l'Aude : Villedubert, qui sera replanté en frênes, et Trèbes, où nous avons opté pour des platanors, un hybride résistant aux attaques du chancre coloré. Nous avons souhaité varier les essences en cas de nouvelles maladies.
Le label Unesco est-il menacé ?
Si nous n'avions rien fait, nous aurions pu perdre ce label ! En revanche, l'Unesco ne déclassera pas le canal parce que certains platanes sont malades. VNF va donc mettre le paquet pour lutter contre cette maladie. Nous sommes dans une logique de restauration. L'Unesco jugera de ce qui a été fait pour assurer la sauvegarde du bien.
Propos recueillis par Jean-Wilfrid Forquès
Une variété résistante
Identifié sur des platanes américains dans l'État du New Jersey en 1929, ce champignon a vraisemblablement franchi l'Atlantique dans le bois des caisses transportant du matériel pour les militaires américains lors de la Seconde Guerre mondiale. «C'est ce qui explique que les premières attaques sont apparues sur des arbres de villes portuaires, à Naples en Italie et à Marseille en France», explique encore Gilbert Chauvel. Les premiers arbres touchés l'ont été dans le parc Borély en 1946. Aujourd'hui, la région Paca est gravement touchée, et, dans une moindre proportion, le Languedoc-Roussillon, le Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et la Corse. Outre l'Italie, le champignon a également été confirmé en Suisse et en Grèce. Quant aux États-Unis, seize États seraient aujourd'hui concernés.
Le problème est particulièrement aigu le long du canal du Midi car la maladie est propagée par l'eau. «La croissance ne peut qu'être exponentielle», souligne l'expert de la DGAL. Mais il faut aussi se rendre à l'évidence : c'est l'homme qui est le meilleur allié du champignon ! Ce ne sont ni des insectes ni le vent qui le transporte mais le plus souvent les outils utilisés par des entreprises qui entretiennent les bords de route, creusent des tranchées aux abords des grands arbres ou encore nettoient les fossés. «Il suffit qu'un outil touche le tronc ou les racines d'un arbre contaminé pour qu'il devienne vecteur de la maladie auprès des arbres sains qui se trouvent aux alentours», raconte encore le spécialiste. Une simple voiture avec son pare-chocs peut transporter le chancre coloré ! Un arrêté national de lutte visant à mieux encadrer la prophylaxie et mieux gérer les foyers est en préparation au ministère de l'Agriculture : il devrait non seulement détailler les pratiques mais également prévoir une formation et imposer un niveau de compétence minimum pour les personnes qui travaillent sur ou aux abords des platanes.
Si l'on ne sait pas juguler Ceratocystis platani, André Vigouroux, un scientifique de l'Inra (aujourd'hui à la retraite) a fort heureusement réussi après plusieurs années de recherche à créer en 2003 une variété résistante. Baptisé «platanor» (platane en or), cet arbre est le seul qui survit au champignon. D'ores et déjà, 2 500 de ces arbres ont été plantés. Reste qu'il va falloir créer plusieurs autres variétés de platanes pour envisager de reconstituer le patrimoine perdu. Un seul clone présente une trop grande fragilité si le chancre coloré venait à contourner la résistance de ce platanor. «Il faut impérativement introduire de la variabilité génétique pour éviter tout risque de contournement de la résistance à court ou moyen terme», insiste Gilbert Chauvel.
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Frappés de maladie, 42.000 arbres de la voie classée au patrimoine de l'Unesco risquent l'abattage.
Ombres tutélaires d'un patrimoine séculaire, les 42.000 platanes qui bordent les quelque 239 km du canal du Midi vont être sacrifiés. Rongée depuis 2006 par un mal incurable répondant au nom de Ceratocystis platani, la voûte arborée fait aujourd'hui l'objet de plans d'abattage et de campagnes de replantation par les pouvoirs publics pour tenter de sauver son classement au patrimoine de l'humanité, décidé par l'Unesco en 1996.
Emblématique de l'ouvrage de Pierre Paul de Riquet, réalisé sous le règne de Louis XIV entre 1666 et 1681, elle encadrait jusqu'alors cette voie navigable appréciée des touristes, qui relie la Garonne à la mer Méditerranée. Construit pour développer le commerce du blé, ce sentier d'eau est l'un des plus anciens canaux d'Europe encore en fonctionnement. D'abord nommé Canal royal en Languedoc, il est rebaptisé par les révolutionnaires canal du Midi en 1789. Ses contemporains le considèrent alors comme le plus grand chantier du XVIIe siècle.
Avec une telle dimension historique et patrimoniale, une majesté qui frappe encore l'œil et la mémoire des nouvelles générations, la suppression de cette architecture végétale suscite émoi et inquiétude. Chez les amoureux de la nature mais aussi et surtout chez les élus locaux, qui craignent des conséquences touristiques et un déclassement par l'Unesco, même s'il ne semble «pas à l'ordre du jour» selon le ministère de l'Écologie. Interpellé sur le sujet alors qu'il était mardi à Agde, dans l'Hérault, le président de la République a assuré que le gouvernement s'associerait aux élus locaux pour «sauver» le canal du Midi, un «patrimoine exceptionnel». «C'est un grand malheur et je vais demander à Frédéric Lefebvre et Nathalie Kosciusko-Morizet de vous recevoir», a promis Nicolas Sarkozy à Agnès Jullian, vice-présidente de la région Languedoc-Roussillon.
«Ce ne sera plus le même canal»
Par Jean-Wilfrid Forquès (à Toulouse)
Ce canal ombragé par deux rangées de platanes est célèbre dans toute l'Europe. Les photographes l'ont mis en valeur et les touristes sont nombreux chaque année à marcher ou rouler à bicyclette sur les berges. Certains goûtent encore mieux le charme du canal en naviguant à bord de péniches. Mais ce sont les mariniers qui en parlent le mieux. «Chez les Pinquet, nous sommes mariniers de père en fils», explique fièrement Paul, «depuis plusieurs générations maintenant, les membres de ma famille naviguent sur le canal du Midi pour transporter des marchandises entre Agen et Bordeaux, ou Béziers et Toulouse. Et l'abattage des arbres est une terrible nouvelle». Originaire de Bordeaux, Paul Pinquet habite à Sète avec toute sa famille : «Lorsque je passe près de Trèbes (Aude), où les arbres malades ont été sacrifiés, je suis très triste. L'autre jour, en longeant le canal, j'ai repéré des marques de couleur sur les arbres. J'ai compris qu'il s'agissait des arbres touchés par ce mal incurable. Cela dit, il est difficile d'aller à l'encontre de cette décision. Il n'y a pas d'autres solutions. Les responsables sont obligés de faire des choix.»
«Touristes peinés»
En novembre prochain, des arbres seront replantés dans ce secteur. VNF a choisi le platanor, un hybride résistant aux attaques du Ceratocystis platani, le chancre coloré. Plus au nord, à Toulouse, à la capitainerie du port Saint-Sauveur, «la question de l'abattage des arbres est également dans toutes les conversations», constate Sylvianne Huguet, capitaine du port. «Les touristes qui se baladent sur le canal du Midi sont peinés par cette décision», ajoute-t-elle. C'est le cas de Maurice, touriste belge passionné de navigation : «J'ai la boule au ventre. Cela me fait beaucoup de peine.» Plus loin, Bruno, un habitué du canal, ajoute, la gorge nouée : «Le canal du Midi sans les platanes, ce n'est plus le canal du Midi. Certes, il y a bien des programmes de replantation, mais nous ne pourrons pas voir ces arbres avant 30 ou 40 ans. J'espère que le canal du Midi ne va pas perdre son label Unesco.»
LE FIGARO. - Abattre tant d'arbres malades, c'est une décision difficile qui a été prise ?
Jacques NOISETTE. - C'est le moins que l'on puisse dire. Pour VNF, c'est un véritable crève-cœur. Cela dit, compte tenu de l'impact de cette maladie sur les arbres qui bordent le canal du Midi, il n'était pas question de rester les bras croisés. Aujourd'hui, il existe un seul moyen de lutter contre le chancre. Pour cela, il faut abattre les arbres contaminés et tous les arbres qui sont situés dans le périmètre immédiat, même s'ils sont sains ! Ensuite, il faudra brûler sur place les arbres malades. Du coup, nous devrons restaurer la berge car nous allons devoir déraciner les souches des platanes.
Est-ce que la contamination peut concerner la totalité des arbres qui entourent le canal du Midi ?
Aujourd'hui, fort heureusement, sur les 42 000 arbres, tous ne sont pas contaminés. Nous estimons à 2 000 le nombre d'arbres malades. En revanche, depuis 2006, date d'arrivée des premiers foyers, il y a eu une augmentation constante du nombre des cas. Cela montre une accélération très nette de la maladie. En 2013, la moyenne annuelle des abattages atteindra 4 000 arbres et les 42 000 platanes actuels auront disparu d'ici quinze à vingt ans.
Doivent-ils être abattus ?
Pour l'instant, il est difficile de dire si nous devons abattre tous les platanes. Il est sûr que le phénomène de prolifération de ce mal est en expansion. L'eau et les bateaux sont des vecteurs de propagation du chancre coloré. Les 42 000 arbres sont donc très clairement menacés ! Cela ne veut pas dire forcément qu'ils seront tous atteints, un jour, par la maladie.
Avez-vous estimé le coût de ces opérations d'abattage ?
D'ores et déjà, nous pouvons affirmer qu'il est très important. Il est estimé à 200 millions d'euros, dont le financement reste encore à déterminer. Le calendrier des abattages va donc se poursuivre dès le mois d'octobre. En 2011, nous étions à un millier arbres. En 2012, nous allons passer à la vitesse supérieure. Avec près de 4 000 arbres abattus. Dans le même temps, cet hiver, nous allons lancer deux programmes de replantation dans les secteurs les plus touchés de l'Aude : Villedubert, qui sera replanté en frênes, et Trèbes, où nous avons opté pour des platanors, un hybride résistant aux attaques du chancre coloré. Nous avons souhaité varier les essences en cas de nouvelles maladies.
Le label Unesco est-il menacé ?
Si nous n'avions rien fait, nous aurions pu perdre ce label ! En revanche, l'Unesco ne déclassera pas le canal parce que certains platanes sont malades. VNF va donc mettre le paquet pour lutter contre cette maladie. Nous sommes dans une logique de restauration. L'Unesco jugera de ce qui a été fait pour assurer la sauvegarde du bien.
Propos recueillis par Jean-Wilfrid Forquès
Comment les hommes diffusent le champignon
Qu'on le nomme par son nom scientifique, Ceratocystis platani, ou par son appellation commune, «chancre coloré», cela ne change rien au fond : le microchampignon qui infeste les platanes est un véritable fléau. «On a tout essayé pour l'éradiquer», assure Gilbert Chauvel, expert de la DGAL (Direction générale de l'alimentation) pour les zones non agricoles. «Que ce soit des produits chimiques tels que des fongicides, ou des produits biologiques tels que des champignons ou des bactéries antagonistes, rien ne marche», poursuit le spécialiste. Le nombre d'arbres morts se compte en plusieurs dizaines de milliers.Une variété résistante
Identifié sur des platanes américains dans l'État du New Jersey en 1929, ce champignon a vraisemblablement franchi l'Atlantique dans le bois des caisses transportant du matériel pour les militaires américains lors de la Seconde Guerre mondiale. «C'est ce qui explique que les premières attaques sont apparues sur des arbres de villes portuaires, à Naples en Italie et à Marseille en France», explique encore Gilbert Chauvel. Les premiers arbres touchés l'ont été dans le parc Borély en 1946. Aujourd'hui, la région Paca est gravement touchée, et, dans une moindre proportion, le Languedoc-Roussillon, le Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et la Corse. Outre l'Italie, le champignon a également été confirmé en Suisse et en Grèce. Quant aux États-Unis, seize États seraient aujourd'hui concernés.
Le problème est particulièrement aigu le long du canal du Midi car la maladie est propagée par l'eau. «La croissance ne peut qu'être exponentielle», souligne l'expert de la DGAL. Mais il faut aussi se rendre à l'évidence : c'est l'homme qui est le meilleur allié du champignon ! Ce ne sont ni des insectes ni le vent qui le transporte mais le plus souvent les outils utilisés par des entreprises qui entretiennent les bords de route, creusent des tranchées aux abords des grands arbres ou encore nettoient les fossés. «Il suffit qu'un outil touche le tronc ou les racines d'un arbre contaminé pour qu'il devienne vecteur de la maladie auprès des arbres sains qui se trouvent aux alentours», raconte encore le spécialiste. Une simple voiture avec son pare-chocs peut transporter le chancre coloré ! Un arrêté national de lutte visant à mieux encadrer la prophylaxie et mieux gérer les foyers est en préparation au ministère de l'Agriculture : il devrait non seulement détailler les pratiques mais également prévoir une formation et imposer un niveau de compétence minimum pour les personnes qui travaillent sur ou aux abords des platanes.
Si l'on ne sait pas juguler Ceratocystis platani, André Vigouroux, un scientifique de l'Inra (aujourd'hui à la retraite) a fort heureusement réussi après plusieurs années de recherche à créer en 2003 une variété résistante. Baptisé «platanor» (platane en or), cet arbre est le seul qui survit au champignon. D'ores et déjà, 2 500 de ces arbres ont été plantés. Reste qu'il va falloir créer plusieurs autres variétés de platanes pour envisager de reconstituer le patrimoine perdu. Un seul clone présente une trop grande fragilité si le chancre coloré venait à contourner la résistance de ce platanor. «Il faut impérativement introduire de la variabilité génétique pour éviter tout risque de contournement de la résistance à court ou moyen terme», insiste Gilbert Chauvel.
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